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Un rêve de mains rouges

Un rêve de mains rouges, Chapitre 10, par Hermione, le 02 décembre 2006.

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Partie 3 : Tomorrow

Chapitre 10 : Changements

J'étais en détention provisoire en attendant le procès. Voilà quelque chose qui était loin de me plaire.
D'autant plus que la situation se résumait ainsi : j'étais accusée de meurtre que j'avais commis il y a longtemps, et on avait profité de l'affaire de Werner pour les ressortir du tiroir des affaires non classées et mystérieusement liées à mon nom. Le pire étant que pour certaines...on ne pouvait quasiment pas me faire ressortir comme innocente. Car elles étaient toutes liées au surnaturel. Allez expliquer que Werner est mort à cause d'un mégalomane mi-ange mi-homme voulant régner sur le monde. Allez expliquer qu'Amanda soit morte à cause d'une entité maléfique incontrôlable. Expliquez également qu'avec la version officieuse, elle n'est pas morte mais a réussi à s'en sortir avec ladite entité. Expliquez que la mort de Werner n'ait été que la fatalité irrémédiable d'une affaire de dieux en Egypte et ma soi-disant mort.
Expliquez tout cela et vous passerez pour une folle meurtrière.
J'étais véritablement dans une situation sans sortie de secours. Mes avocats, s'ils connaissaient l'illégalité de mes affaires, ne savaient cependant rien sur les rumeurs étranges entourant mes expéditions, excepté quand il fallait les réfuter à la presse. Et de fait...ils pouvaient mentir pour me sauver, se diraient les juges lors de mon procès.
Au tribunal je ne serais qu'une folle meurtrière, et c'était peut-être vrai.

***

Penché au-dessus de l'évier, Kurtis se frottait vigoureusement les mains pour effacer toute trace de sang de la bataille qui avait duré plusieurs heures. Lorsque l'eau finit de laver la souillure de ses mains, il se redressa et les essuya, évitant soigneusement de regarder les cadavres des ex-derniers membres de la Coterie à terre.
Il tira une cigarette de sa poche et l'alluma.
-La vengeance est terminée, hein ?
Il regarda avec un air méfiant celui qui lui avait parlé.
-Oui. Maintenant, il reste les problèmes de conscience, et quelques autres trucs. J'aimerais retrouver ma mère à présent. J'ignore ce qu'elle est devenue après le meurtre de mon père.
Son interlocuteur haussa les épaules, sincèrement désolé.
-Je ne sais pas non plus ce qui a pu lui arriver. Ma mémoire est devenue un trou insondable depuis la mort d'Eckhardt.
-Je ne comprends pas pourquoi tu es resté avec l'extension de la Coterie après.
Le jeune homme le fixa, intrigué, se tenant prêt au combat même si son compagnon l'avait aidé lors de la tuerie. La lueur de méfiance dans ses yeux ne le quittait pas. Son interlocuteur poussa un profond soupir, les yeux dans le vague.
-Parce que c'était avec eux que je travaillais quand je t'ai engagé parmi mes hommes, tu te souviens ? Mes absences mystérieuses.
-Beaucoup de choses s'éclaircissent, sourit Kurtis. Mais tu es libre maintenant.
-Plus que je ne l'ai jamais été.
Ils restèrent silencieux un moment. Kurtis laissa tomber sa cigarette dans une flaque de sang, puis se redressa, quittant l'évier auquel il s'était accoudé.
-Il n'y a plus personne, n'est-ce pas ? demanda-t-il.
-Non. Juste les souvenirs et de vieux objets ensorcelés.
-Oh, c'est vrai que je dois m'occuper de ça aussi.
-Si tu veux...
-Non, Marten. Je veux aller jusqu'au bout. Finir et enterrer cette histoire.
-Elle nous pourchassera jusqu'au bout.
-Peut-être.
Il y eut à nouveau un silence. Puis Kurtis demanda :
-Et toi, Marten ? Qu'est-ce que tu vas faire ?
Son compagnon haussa les épaules, incertain.
-Difficile à dire. Peut-être voir ce qu'il est advenu de tous ceux ayant été mêlés à cette histoire. Je ne sais pas. Essayer de me faire pardonner de ce que j'ai fait sous l'influence d'Eckhardt.
-Tu me diras ce que ça donne ?
-Entendu. On est les seuls survivants de cette affaire, après tout.
Kurtis pensa que c'était la vérité. Ils étaient les deux seuls survivants.
Dans son esprit, Lara ne comptait plus comme rescapée de cette histoire.
Mais malgré tout, il savait qu'un sentiment non défini le poussera à voir comment elle s'en sortait désormais. Et il était certain que ledit sentiment n'était pas de l'amour.

***

J'avais été demandée à la salle de la prison où on pouvait parler avec quelqu'un - tant que ce n'étais pas un avocat. Je savais parfaitement que Winston n'était pas encore en état de venir me voir, aussi avais-je misé sur une erreur. Mais j'y étais venue tout de même, et la vue de mon visiteur me coupa le souffle. Séparés par une vitre, le téléphone attendait sagement que je le saisisse.
Mais j'avais envie de fuir. De partir de cette salle, d'éviter le regard dur de mon futur interlocuteur, échapper à cette fatalité de parler avec celui que j'avais trahi d'une certaine manière. Il me fallut un effort monumental pour m'approcher de la vitre. Plus une bonne dose de courage pour m'asseoir.
Mais surtout, je ne l'ai pas regardé en face. J'ai saisi le téléphone, mes yeux évitant la moindre opportunité de revoir son regard de haine.
-Comment m'avez-vous retrouvée ?
-Bonjour, Lady Croft.
La façon dont il prononça mon nom me blessa plus profondément que les derniers jours en prison.
-Il suffisait de lire les derniers journaux, répondit-il finalement. Ça doit vous changer de votre vie de manoir.
Je hochai la tête sans dire un mot.
-Je serais ravi de croiser la culpabilité que vous avez dans vos yeux à mon égard.
Lentement, je levai la tête, regardant en face Kurtis. Mes entrailles se nouèrent de manière indescriptible.
-Vous avez des ennuis, hein ?
-C'est le moins qu'on puisse dire, dis-je sans émotion particulière.
-Vous êtes accusée de quoi ?
Mes yeux se détournèrent un bref instant.
-Du meurtre de Von Croy, entre autres.
Il se rassit plus confortablement dans sa chaise, réfléchissant. La dureté de ses yeux ne fit qu'augmenter la tension qui battait à mes tempes. Pourquoi était-il revenu ?
-Si je témoigne en votre faveur...
-Vous le feriez ?
Il eut une grimace.
-A contrec...ur, mais ouais, sûrement que je le ferais. Y a t-il quelqu'un d'autre pouvant vous aider dans ce procès ?
-Winston...
-Ah, l'autre vieux.
Je le fusillai du regard. Cette fois, c'était mes yeux qui exprimaient de la haine.
-Anaya Imanu et Jean-Yves. Pour le reste, je crois que mes avocats se débrouilleront assez facilement. Demandez-leur leur adresse, ils vous la donneront pour les contacter. Winston est à l'hôpital.
-M'en doute, répondit-il, avec ce sourire moqueur aux lèvres.
-Kurtis ?
-Ouais.
-Merci, dis-je.
Sincèrement.
Il m'observa un bref instant, avec cette lueur si particulière dans ses yeux, cette lueur qui disait que ça n'était qu'un jeu, cette même lueur qu'il avait avant de se laisser tomber dans l'escalier au Louvre.
-Je veux pas de vos remerciements, lâcha-t-il. Parce qu'après, vous allez devoir m'aider.
Je haussai les sourcils.
-A quoi ? demandai-je.
-Vos sources, vos « pass » pour aller dans des pays ou des lieux précis en donnant une fausse information. J'ai recherché des trucs sur vous, je sais que vous avez déjà fait ces coups-là pour aller dans des lieux de votre choix. Après votre libération, vous me fournissez ça, et nous nous laissons mutuellement en paix et nous ne nous revoyons jamais.
Je réfléchis un bref instant. Je ne savais pas à quoi cela allait lui servir, mais c'était un marché honnête, et même plus qu'il ne le fallait après ce que je lui avais fait.
-C'est d'accord. Kurtis...
-Mmh ?
-Pourquoi êtes-vous revenu ?
Il me regarda, une expression énigmatique sur le visage.
-On est les seuls survivants, non ? me rappela-t-il, d'une voix légèrement moins froide que celle qu'il avait emprunté depuis le début de la conversation.
Sur ce, il raccrocha le téléphone, me fit le clin d'...il qui lui était propre et quitta la pièce. Je reposai moi aussi le combiné, songeuse sur ce qu'il voulait avoir par moi et sur la véritable raison de son retour. Cet homme était une énigme aussi vivante et insondable que moi. Entre ce qu'il disait et ce qu'il pensait, il semblait y avoir un gouffre immense. Et je savais que excepté le moment où il témoignerait au tribunal en ma faveur, je ne le reverrai plus jamais. Même si nous étions les derniers à avoir survécu à cette histoire. Jamais plus je ne pourrai tenter de le comprendre.

Deux mois plus tard, je fus déclarée innocente. On me retira toutes les armes qu'ils trouvèrent dans le manoir, on me demanda des amendes pour l'effraction des lieux que j'avais anciennement visités et des dommages et intérêts pour les vols.
Cependant je sortis de prison, j'échappai à l'asile. J'étais innocente aux yeux de la justice.
Mais pas aux miens.

A suivre...

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