Partie I - Les temps changent
La carrière de Ian Livingstone, qui englobe maintenant près de trois décennies, n'est plus à présenter. De Games Workshop et Fighting Fantasy à Eidos et Tomb Raider, récompensé d'un BAFTA Game Award et membre du prestigieux Ordre de l'Empire Britannique (OBE) pour "services rendus à l'industrie du jeu vidéo", il tient moins du vétéran que de la légende.
Livingstone semblait s'embarquer sur une autre voie l'an dernier, quittant avec d'autres la compagnie Eidos nouvellement rachetée par SCi. Il fut le seul membre de l'équipe à revenir en septembre, et prit le poste de directeur d'acquisition de produit (product acquisition director).
Depuis lors, Eidos a récolté un succès sur la plupart des plates-formes avec Tomb Raider Legend, encensé par les critiques et les fans comme un retour à la vie pour la célèbre série. La semaine prochaine, Ian Livingstone donnera une conférence sur le succès durable de Lara Croft à L'EIEF d'Edimbourg. Games Industry a eu la chance de l'interviewer à propos de sa participation et de lui demander si le temps n'est pas venu pour l'industrie vidéoludique de se trouver une nouvelle icône. Il nous a aussi parlé des plans d'Eidos pour la German Games Convention de Leipzig, de la guerre des consoles next-gen et des raisons pour lesquelles le développement du jeu vidéo est une industrie plus risquée que jamais.
Games Industry : Que pouvons-nous attendre d'Eidos à la Games Convention de Leipzig cette année ?
Ian Livingstone : Nous allons exposer un certain nombre de produits : Just Cause, Battlestations Midway, Justice League Heroes, Bionicle Heroes, and Tomb Raider Legend sur DS et GBA. Il y aura aussi une présentation privée de Kane et Lynch de chez IO (Hitman). Eidos Mobile proposera un certain nombre de nouveaux titres, comme Balloon Headed Boy, Prism et Pandemonium. Nous devrions aussi avoir quelques détails de Championship Manager, Reservoir Dogs et bien sûr Millionaire.
GI : Le line-up semble assez complet. Quels sont les plans d'Eidos en terme de plates-formes next-gen ? Supporterez-vous les trois plates-formes [NDT : Xbox 360, PS3 et Wii] de la même façon ?
IL : Être un éditeur indépendant permet de soutenir n'importe quelle plate-forme, naturellement, et nous allons soutenir chacune des trois. Il est assez évident que la course va être serrée. Sony a été l'unique gagnant pendant longtemps, mais personne n'imagine que ça sera le cas cette fois-ci. La course va être serrée et je pense que Nintendo, avec la console Wii, va faire partie des gagnants. C'est assez intéressant qu'ils aient décidé de ne pas évoluer sur le même terrain que Microsoft et Sony, avec des jeux d'action-aventure de grande qualité; ils se sont tournés vers des jeux au gameplay différent. Le mouvement est intéressant, et pourrait leur valoir un grand succès.
GI : Est-ce qu'Eidos va chercher à supporter ce changement de point de vue, qui se focalise non sur les graphismes mais sur le gameplay et l'innovation ?
IL : Absolument, oui. J'ai été game designer pendant des années; et j'aime toujours voir de l'innovation dans le gameplay. C'est une réelle bouffée d'air frais. La fin de la génération précédente avait connu un genre surpeuplé, les jeux devenant trop difficiles et manquant d'innovation. Les gens n'avaient plus le temps de passer 60 heures pour finir un jeu. Sentir que cet énorme poids vous est enlevé, pouvoir commencer à travailler sur un gameplay innovant plutôt que sur l'amélioration des graphismes, c'est une grande opportunité pour tout le monde.
GI : Pensez-vous que Nintendo va réellement réussir ? La bataille semble se jouer entre Microsoft et Sony parce que leurs machines sont face à face. Nintendo peut-il vraiment investir le marché et les concurrencer ?
IL : Je ne pense pas que l'on puisse deviner quelle plate-forme va gagner cette course. Je veux juste souligner que ça ne sera pas aussi simple que pour la génération précédente de consoles. Cette fois, cela tient davantage d'une compétition ouverte, et c'est un moment très excitant pour les éditeurs indépendants comme nous : nous pouvons étendre nos produits à davantage de formats qu'autrefois.
GI : Donc vous ne miserez pas sur l'une ou l'autre mais sur les trois ?
IL : En effet, mais cela dépendra aussi des consommateurs. Sony va devoir faire pas mal de pub pour que les joueurs sachent que la PS3 n'est pas seulement une console de jeu, mais un système complet de divertissement familial équipé de la technologie Blu-ray. Pour que les consommateurs comprennent exactement ce que cela signifie et comment cela justifie le coût du matériel - ça va être un fameux défi. Microsoft a une avance visible, d'environ 12 mois, dans la compétition, et Nintendo investit le marché avec un produit bien moins coûteux qui se concentre sur le gameplay avant tout. Il va probablement toucher un public plus jeune, mais je pense que les adultes l'apprécieront eux aussi. Spécialement les adultes ayant peu de temps pour jouer, qui voudraient un jeu rapide, amusant et différent. Il s'agit d'une nouvelle plate-forme, et nous l'accueillons de la même façon que les autres SingStar, Buzz, plateforme mobile, PSP, DS, DVD interactif... Cela n'a pas d'importance : quelle que soit la plateforme, nous pouvons l'exploiter.
GI : Que faites-vous du Blu-ray ? Cela justifie-t-il le prix de départ de la PS3 ?
IL : Le point de départ est que cela permet une qualité extraordinaire. Si les gens recherchent LA machine de pointe, la PS3 est clairement la console la plus poussée de la prochaine génération. Comme pour toute chose, la qualité se paye. C'est absolument magnifique à voir et vous bénéficiez réellement d'un cinéma interactif chez vous. Mais c'est aussi une contrainte pour la vente : Sony va devoir éduquer les gens à une nouvelle forme de loisir, leur faire comprendre que, oui, ça représente beaucoup d'argent, mais que ça en vaut la peine.
GI : Comment cette montée en flèche de la qualité cinématique va-t-elle influencer vos coûts de développement ?
IL : Les coûts de développements continuent à monter et nous devons les contrôler comme le reste. Il y a 15 ans, deux types dans un garage pouvaient développer un jeu, et produire de nombreux titres. Actuellement, c'est beaucoup plus risqué, quand vous investissez 5 millions de livres dans un titre, vous ne pouvez pas commettre beaucoup d'erreurs. Je pense que la plupart dépensent de plus en plus en budgets de préproduction, à un stade qu'ils peuvent arrêter s'il le faut. Non pas qu'ils le veuillent toujours, mais nécessité fait loi.
L'avenir de Lara
|