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Mémoire(s)

Mémoire(s), Prologue, par Clara, le 27 octobre 2003.

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Prologue

Le soleil brûlant donnait au sable des reflets argentés. L'astre, qui atteindrait une heure plus tard le sommet de sa course, dardait ses rayons impitoyables sur les archéologues. Depuis les premières heures du jour, bien avant que l'astre ne fut levé, la petite équipe se hâtait devant le pylône du temple de Louxor. Fébriles, les étudiants et les ouvriers s'étaient pour la première fois penchés sur un même travail, d'égal à égal. La campagne de fouilles, qui n'avait rien de spectaculaire, s'était déroulé très calmement jusqu'à la veille dans l'après-midi. Les étudiants tuaient le temps, assis sur une caisse, observant les ouvriers et leur ballet monotone. Seau après seau, les excavations n'avaient rien livré d'extraordinaire : tessons, quelques rares ostraca,... Puis Hassan, le contremaître, avait écouté très attentivement l'un des ouvriers avant de crier en anglais : STOP ! Mot que tous avaient compris. Un grand silence malaisé s'était abattu sur l'équipe, les regards rivés au sol n'osant se porter sur le chef de mission. Peter Callaghan, professeur en égyptologie à l'université d'Oxford, passait pour un bourreau de travail en plus d'un sale caractère, l'interruption de la fouille par un des ouvriers, fut-ce un contremaître ou un pelleteur, n'était certainement pas pour lui plaire. Descendant de la base de colonne sur laquelle il restait dressé des heures durant, y compris en plein soleil, l'homme avait parcouru en un instant les quelques mètres qui le séparaient de l'endroit d'où avait crié Hassan, et avait écouté attentivement celui-ci. Le contremaître n'avait ni baissé les yeux, ni hésité un instant, appuyé par les hochements de tête vigoureux de l'ouvrier qui restait à ses côtés. Ensuite tous trois étaient descendus au fond de la fosse excavée par l'homme. Les étudiants, moins disciplinés que les ouvriers, s'étaient à leur tour approchés du trou et, tout en restant à distance raisonnable avaient écouté la discussion qui s'étaient engagée, dans un arabe coupé d'anglais. Alors que le soir tombait et que la journée de travail touchait à sa fin, tous avaient saisi, malgré la brise qui s'était levée, comme pour l'emporter, le mot...
-...stela...

Le bloc de granit rose, au sommet arqué, fut hissé à l'aide de grands cris par les ouvriers et les étudiants, avec une poulie dont la vétusté menaçait la vie de chacun. Lorsqu'il fut posé au sol, d'un même mouvement, tous s'accroupirent pour y déchiffrer quelques mots. On y voyait les cartouches de pharaons, des dieux éternels gravés dans la pierre tandis que le roi leur présentait des offrandes. Et, au sommet, le nom du pharaon : l'une des étudiantes, s'avançant plus que de raison, sans davantage s'occuper du chef de chantier, posa la main sur la stèle en murmurant :
-Amenophis... je le savais !
Victorieuse, elle se tourna vers ses condisciples :
-Par ici la monnaie !
Le visage fermé, le chef de chantier s'approcha à son tour, et, grinçant, déclara la journée terminée. La pierre fut hissé sur une remorque et tractée jusqu'au laboratoire, de l'autre côté du Nil.

-Miss Lodge, veuillez venir !
La jeune femme sursauta. Du haut de ses 21 ans, Jane Lodge était la plus jeune et la plus inexpérimentée de l'équipe. Encore étudiante, elle n'aurait pas du se trouver là, à Thèbes, au fin fond de l'Egypte, au sein d'une équipe d'archéologues anglais dont le nom seul aurait fait pâlir plus d'un étudiant. C'est pourtant la tête droite et le pas assuré qu'elle pénétra dans le bureau de Peter Callaghan. Penché sur un papier, il ne leva pas les yeux tout de suite. Elle lui donnait dans les 35 ans. Grand, il avait le visage sec et marqué des gens qui passent plus de temps que nécessaire au soleil. Il était large d'épaules, mais ni gros, ni maigre. Tout en lui donnait une impression d'assurance tranquille. Pourtant la réputation qui le précédait le prétendait irascible et vif, tourmenté et sans pitié pour les étudiants ou ses semblables. Il avait des yeux bleus au regard perçants, qui généralement provoquaient une réaction forte chez ses interlocuteurs, lesquels préféraient détourner le regard. Ce qu'elle ne fit pas. Posant le journal, où elle put lire « Earthquake in Cairo », il la fixa un instant puis se résolut à entamer le dialogue les yeux dans les yeux. Mais elle ouvrit la bouche avant qu'il ne prononce une parle.
-Je vous présente des excuses pour mon comportement de tout-à-l'heure, sir. Mon intention n'était pas de vous manquer de respect, ni à vous ni à l'équipe...
Callaghan ouvrit la bouche, puis la referma et appuya sa tête sur son poing, attendant la suite.
-Nous avions simplement fait un pari quant au contenu de la stèle... et j'ai gagné. Je vous réitère mes excuses.
Là-dessus, elle baissa les yeux. Quelques instants s'écoulèrent, et elle songeait à relever les yeux lorsqu'il sembla sortir de ses pensées.
-Combien avez-vous gagné ?
Elle crut d'abord qu'elle avait mal entendu.
-Deux cents... euh, deux cents livres, sir... égyptiennes, bien sûr.
Il hocha la tête, le regard perdu.
-Blowsom, Burns, Crestwick. Ils ont tous misé sur Ramsès, n'est-ce pas ?
Elle hocha imperceptiblement la tête, mais la question semblait purement rhétorique.
-... ça ne m'étonne pas, ils sont butés. Massimo Fuelvo et Vivien Paterson également ? C'est assez décevant de leur part. qui d'autre avait misé sur Amenophis ?
De plus en plus déroutée, Jane ne songea pas à inventer de réponse.
-...euh, je suis... j'étais la seule...mais...
Il ne lui laissa pas le temps de finir, sortit en trombe de son bureau, parcouru à grandes enjambées le petit couloir qui traversait la maison. Arrivé à l'extrémité, il se retourna, vociférant :
-Miss Lodge, puis-je savoir ce que vous attendez ?
Elle se précipita à sa suite, et tous deux pénétrèrent, l'air grave, dans la réserve où la stèle gisait, couchée sur une immense table métallique.

Assis autour de la table, dans ce qui servait de salon-salle à manger, les étudiants britanniques jouaient aux cartes lorsqu'ils virent Peter Callaghan traverser rapidement la pièce. Certains fouillaient avec lui depuis plus de cinq ans, pourtant le pas lourd résonnant sur le plancher faisait toujours son petit effet. Les gestes se suspendaient, les respirations s'arrêtaient un instant. Tous cherchaient du regard le moindre papier qui aurait pu traîner, entraînant des remontrances quelque peu exagérées. Lorsqu'ils virent la jeune Jane Lodge se précipiter à sa suite, certains firent la grimace. La petite allait se faire descendre. Il était déjà arrivé que certains étudiants fondent en larmes après une « discussion » en compagnie de Callaghan. Bien que quelques-uns aient émis des doutes quant à la pertinence de la présence d'une étudiante aussi jeune sur les fouilles, aucun ne pensait toutefois qu'elle méritait cela. Jane avait montré qu'elle n'était pas incapable, et le fait qu'elle ait gagné son pari, cet après-midi, les avait un peu impressionnés. Ils se rassurèrent : il suffirait qu'elle montre à Callaghan de quoi elle était capable, et « Le vieux » la laisserait tranquille.

La seule lumière pénétrant dans le laboratoire provenait du salon attenant, d'où les discussions maladroitement étouffées leur parvenaient. Jane gardait les yeux fixés sur la stèle, réfléchissant aux conséquences de la découverte. Elle passa la main sur le cartouche, parcourut les signes.
-Des commentaires ?
La voix sèche et le ton ironique ne parvinrent qu'à moitié à la faire sortir de sa rêverie. La fenêtre du laboratoire était entrouverte et un parfum de jasmin envahit la pièce. Callaghan ferma la fenêtre avec tant de brusquerie que Jane se réveilla tout à fait.
-Quelques-uns...
Elle attendit quelques instants, récapitula ses conclusions. Le terrain des excuses et des jeux académiques n'était pas celui où elle avait l'habitude de jouer. Mais ici, devant cette stèle, elle était dans son élément, et elle le savait.
-Tout d'abord, il est clair désormais qu'Amenophis III a joué un rôle important par rapport à ce temple et, s'il n'a pas tout bâti, il est sans doute à l'origine de certaines parties que Ramsès s'est ensuite appropriées.
Elle ne chercha pas son assentiment, ne regardant plus que la stèle, désignant des signes en haut et en bas de la pierre.
-Cette épithète et ... cette titulature ne sont apparus ici que chez son fils, Akhenaton... Or, ici, il s'agit clairement de la même expression. Comme la mémoire d'Akhenaton a été condamnée et ses titres rayés, et comme cette stèle est intacte, j'en conclus que les prêtres, dès Toutankhamon, avaient oublié l'emplacement de cette stèle, ou qu'un autre pharaon se l'était appropriée...
Le silence régna quelques instants ; se déplaçant, Callaghan contourna la table tandis que Jane rouvrait la fenêtre.
-Pas mal, miss Lodge.
Elle se retourna, mais il lui était impossible de déchiffrer son expression car il lui apparaissait à contre-jour devant la vitre en verre dépoli. Et pour la première fois depuis longtemps, ce fut avec un sourire aux lèvres qu'il se montra à ses étudiants.

-J'ai failli tomber de ma chaise ! Yé té youre !
Jane se mit à rire. L'étudiant italien qui lui parlait, se laissant emporter par l'émotion, retrouvait l'accent de sa Sicile natale. L'expression de Callaghan, lorsqu'ils étaient sortis du laboratoire, les avait surpris, ce n'était rien de le dire... la plupart étaient resté sans voix jusqu'à ce que Callaghan regagne son bureau. Les mains dans les poches, Jane s'était retournée vers la stèle, murmurant « Je n'en ai pas fini avec toi ! », puis elle avait rejoint les autres en soupirant, répondant aux questions qui fusaient...L'un après l'autre quittèrent la table pour réintégré leur lit, mais Jane ne pouvait se résoudre à aller se coucher. Elle entendait Callaghan parler au téléphone depuis son bureau. Bientôt ne resta plus que l'étudiant italien qui bâillait sans vergogne. Jane n'avait qu'un envie, aller ré-examiner la stèle. Combien de détails n'avait-elle pas remarqués ? Jetant des coups d'oil à la porte vitrée, elle soupira de soulagement quand l'Italien lui souhaita :
-Buena note... Ciao, bella !
Dès qu'elle fut seule, elle se précipita dans le laboratoire et, assise en tailleur à même la table, entreprit de traduire les hiéroglyphes. Penchée sur la stèle, ses longs cheveux dénoués frôlant la pierre, elle n'entendit pas que quelqu'un pénétrait dans la pièce. La voix inhabituellement douce de Callaghan la sortit de sa rêverie.
-Jane ? Vous avez un appel.
Tout en se demandant pourquoi elle ne s'appelait plus miss Lodge, Jane se leva prestement et le suivit jusqu'au bureau. Elle ne parvenait pas à se rappeler si elle avait laissé une adresse à quelqu'un, en Angleterre... Mais, en soulevant le combiné, elle ne parvint pas à chasser l'appréhension qui l'avait envahie.

Ouvrant les yeux, Jane constata qu'elle n'avait pas rêvé. Le vieux combiné émettait une sonnerie plaintive tandis qu'elle fixait la nuit claire à travers la fenêtre ouverte... C'est étrange, songea-t-elle, les volets ne sont jamais ouverts dans cette pièce, sauf lorsqu'il fait nuit noire. Puis elle songea que la nuit égyptienne était tout sauf noire...Le vent parcourait la pièce de part en part et la faisait frissonner malgré sa tiédeur. Dans son dos, le plancher craqua. Réalisant qu'elle avit retenu sa respiration depuis qu'on avait racroché, elle expira lentement en se retournant. La heute silhouette de Peter Callghan se découpait dans l'embrasure de la porte. Son air grave, et l'expression qu'il avait dans ce regard que tous redoutaient lui apprirent qu'il savait. Tout. Peut-être pas dans les détails, mais il connaissait sans doute la partie la plus importante... et qui le concernait, lui. Elle ne s'attendait pas à des remontrances. Du moins pas en cet instant. Mais elle savait, elle comprenait et même acceptait de se résoudre à stopper ici sa brève carrière. Lentement, les mots se frayaient un chemin jusqu'à son esprit. Décès. Elle n'osa lever les yeux vers Callaghan, se contentant de murmurer d'une voix rauque un vague « Je suis désolée... » adressé aux lattes du plancher. Cérémonie. Elle ne formula pas de questions, pas d'autres regrets. Il s'approcha et raccrocha le téléphone, qui se tut. Enfin. Angleterre. Puis il s'éloigna.
-Vous devriez faire votre valise. Hassan va vous conduire à l'aéroport. Je ne peux rien vous dire de plus pour l'instant.
Elle hocha à nouveau la tête, muette. Boucler sa valise ne lui prit qu'une seconde. Elle ne réveilla personne, descendit en silence, devant Callaghan qui l'observait. Demain, ils sauraient tous qui elle était. Elle soupira. Demain elle serait en Angleterre.
-J'ai de la peine pour vous, Jane.
Elle releva la tête, ne sachant trop s'il parlait de l'événement ou de sa carrière, ou des deux...
-Vous savez, nous n'étions pas si proches...
Mais sa voix mourut. Hassan arriva, se chargeant de la valise. Elle embarqua dans la voiture, mais, avant de fermer la portière, interpella Callaghan une dernière fois.
-Pour la stèle, vous me ferez savoir...
Décidément, elle ne terminerait aucune phrase ce soir.
-Je vous le ferai savoir, dit-il en évitant son regard.
Etait-elle officiellement renvoyée ? Elle soupira. Peu importait, au fond. Elle se raidit lorsqu'il lui tendit la main, et il suspendit son geste, laissant retomber son bras qu'il posa sur la portière.
-Je vous le ferai savoir, répéta-t-il.
Elle ne se retourna pas, se remémorant ces mots : décès, cérémonie, Angleterre. Chez elle.

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