| Aventures, Vol.3Comme dans 
	tous les quartiers pauvres des mégalopoles du monde, pour ne pas dire « 
	bidonvilles », celui de Bangkok était composé de huttes de tôle sans étage, 
	collées les unes aux autres en un interminable quadrillage labyrinthique. La 
	nuit était tombée, et si, dans une journée classique, il existait une heure 
	plus dangereuse que les autres pour se trouver dans le bidonville 
	thaïlandais, c'était celle-ci. L'instant précis où les derniers couche-tard 
	sont vite rentrés dans leur demeure, et où les premiers lève-tôt n'osent pas 
	encore sortir. Le moment où seuls les pires criminels de Bangkok sont 
	dehors. Les criminels, et Lara Croft.La jeune adolescente, qui venait de fêter ses quinze ans quelques jours plus 
	tôt, virevoltait littéralement de toit en toit, courant, sautant et roulant 
	sur les tôles crasseuses, dont elle limitait les sons produits par sa grâce 
	et sa souplesse. Des chiens errants aboyaient sur son passage et parfois, 
	elle captait un coup de feu, claquant plus ou moins loin d'elle. Elle 
	traversa le bidonville par les toits, sans s'arrêter, ni même ralentir. Elle 
	atteignit enfin un quartier plus tranquille, car plus aisé et sauta d'un 
	toit particulièrement bas dans la ruelle en-dessous. Elle se redressa 
	aussitôt pour se retrouver face à un homme qui la toisa de toute sa hauteur. 
	Essoufflée, elle le regarda en silence.
 - Sept minutes trente sept secondes, fit Werner Von Croy en regardant le 
	chronomètre. Et vous êtes encore vivante...
 - Pas mal, hein ? répondit l'adolescente avec un sourire.
 - C'est en progrès, oui...
 - Vous pourriez au moins m'accorder le crédit de la performance, là !
 - Dans un tombeau en train de s'écrouler, il faudra faire beaucoup mieux que 
	ça, Lara.
 L'adolescente soupira d'un air contrarié, puis haussa les épaules.
 - Montez dans la voiture, Lara. Nous retournons à l'hôtel.
 - Pas tranquille dans le quartier ? ironisa-t-elle.
 - Vous vous oubliez, miss Croft.
 Lara se tut et monta dans la voiture. Von Croy démarra en trombe et quitta 
	les quartiers pauvres de Bangkok.
 
	*** Quand Lara 
	sortit de la douche, dans sa chambre d'hôtel, il était deux heures du matin. 
	Werner dormait déjà, elle l'entendait clairement au travers de la fine paroi 
	séparant leurs deux chambres. L'adolescente se jeta sur son lit et se mit à 
	réfléchir. D'abord, elle n'avait pas sommeil. Ensuite, elle venait d'avoir 
	quinze ans, et elle avait fêté son anniversaire avec son mentor. Rien de 
	bien joyeux. Bref, elle voulait sortir. Werner ayant donné des consignes à 
	la réception de l'hôtel, Lara était donc bonne pour une nouvelle escapade. 
	Mais cette fois-ci, c'était pour la bonne cause.En quelques minutes, et après un bref passage par la gouttière, elle se 
	retrouva dans une rue très vivante, même à cette heure de la nuit. Toute la 
	jeunesse aisée de Thaïlande se retrouvait pour boire et danser jusqu'à 
	l'aube. Boites de nuit, bars, pubs, chaque lieu de fête débordait jusque 
	dans la rue. Tout était illuminé et festif. Lara affichait un immense 
	sourire, tout en repoussant les premiers assauts de séduction de quelques 
	thaïlandais ivres. Après tout, elle n'était pas venue ici pour se laisser 
	séduire, mais juste pour profiter de l'ambiance : elle se contentait donc de 
	marcher lentement au milieu de la foule. De toute façon, elle était fauchée, 
	ses économies étant sagement rangées dans le sac de Werner. Soudain, alors 
	qu'elle déambulait, la foule s'écarta légèrement devant elle. Un jeune 
	homme, à peine plus âgé qu'elle, courait à toute allure dans sa direction, 
	heurtant des passants sur son chemin. Derrière lui, trois policiers 
	thaïlandais courraient également, armes à la main. Le jeune homme tenant à 
	la main un sac, Lara jaugea rapidement la situation. Sans hésiter, elle se 
	décala du chemin, mais tendit sa jambe au moment où le jeune voleur passa à 
	sa hauteur. Le résultat fut au-delà de ses espérances : il perdit 
	l'équilibre et s'affala violemment sur le sol. En quelques secondes, les 
	policiers étaient sur lui. Ils le maintinrent plaqué au sol, sans 
	délicatesse. Lara regarda la scène avec un sentiment satisfait d'avoir 
	appréhendé un voleur. Elle affichait un petit sourire narquois lorsque le 
	troisième policier l'attrapa sans ménagement par le bras et la jeta par 
	terre. Lara se retrouva dans la même position que sa victime, menottée. Les 
	policiers les relevèrent tous les deux et les embarquèrent. Les gens autour 
	d'eux faisaient mine de ne rien voir.
 Avant de réellement réaliser ce qui lui arrivait, Lara se retrouva dans une 
	cellule dégoûtante, où l'odeur d'urine était si forte qu'elle prenait à la 
	gorge. L'adolescente se mit à hurler pour clamer son innocence, tentant de 
	faire entendre raison aux policiers. Ceux-ci l'ignorèrent et partirent, sans 
	que cela ne stoppe ses hurlements.
 - Oh, c'est bon, arrête de gueuler ! fit son compagnon de cellule. Ils 
	t'écouteront pas, de toute façon.
 Dans sa panique, Lara avait totalement oublié le jeune voleur. 
	Immédiatement, elle reporta sa rage et sa peur sur lui.
 - Toi... TOI ! hurla-t-elle. C'est ta faute !!
 - Ben voyons ! T'avais qu'à me laisser passer, au lieu de jouer les 
	défenseurs de la vertu !
 - J'ai arrêté un voleur !
 - Mais t'en sais rien, fillette. Tu ne connais pas mon histoire.
 - T'étais poursuivi par les flics, non ?
 - Ouais, et tu as remarqué à quel point ils étaient perspicaces, non ?
 Lara se calma légèrement et s'approcha de lui. Elle s'assit à ses côtés, sur 
	la banquette crasseuse.
 - T'es pas un voleur ?
 - Si, mais l'histoire est longue. Disons que je suis une sorte de Robin des 
	Bois...
 - Tu voles aux riches pour donner aux pauvres ?
 - Ouais... En gros... Dis donc, t'as l'air jeune. T'as quel âge ?
 - Quinze. Et toi ?
 - Dix-neuf. Tes parents vont venir te chercher, j'espère ?
 - Non. Je suis ici sans eux.
 - Alors t'es super mal !
 Il se tut. Lara respecta son silence pendant quelques minutes, avant de 
	reprendre.
 - Tu t'appelles comment ? demanda-t-elle.
 - Alex West. Et toi ?
 - Lara Croft.
 - Enchanté. Je te serrerais bien la louche, mais j'ai des menottes.
 Lara ignora la remarque et leva les yeux au plafond.
 - Von Croy va me tuer...
 - Qui est Von Croy ?
 - Mon professeur.
 - De ?
 - De tout. C'est mon professeur, mon mentor, si tu préfères.
 - Particulier ?
 - Oui.
 - Mais t'es bourrée de fric ?
 - Ouais, on peut dire ça...
 - Appelle-le vite, alors ! Fais-moi sortir de là avec toi !
 - C'est hors de question. Il doit tout ignorer. Et puis, ça m'étonnerait que 
	les flics me laissent passer un coup de fil.
 - Alors tu penses faire quoi ?
 - Attendre. Je suis innocente, ils comprendront rapidement leur erreur.
 - Mais bien sûr... Bon, ben fais ce que tu veux. Moi, je me casse.
 Le jeune voleur se leva et fit tomber ses menottes, qu'il venait de retirer 
	tout seul. Sans hésiter, il s'approcha de la porte de la cellule.
 - Comment t'as fait ce coup-là ? fit Lara, admirative.
 - Un petit talent bien utile...
 - Ben enlève les miennes !
 - Non. Tu ne m'aides pas, je ne t'aide pas. Et puis, puisque tu restes là, 
	comment expliqueras-tu aux flics que t'as plus tes menottes ?
 Il exhiba un petit sourire ironique puis s'attaqua à la serrure de la porte, 
	qu'il commença à trafiquer. Lara le regarda faire en silence. Tandis qu'il 
	lui tournait le dos, elle se composa un visage pathétique : la bouche en 
	coeur, les yeux tombants et quelques larmes sur les joues. Une fois prête 
	pour son numéro, elle se lança.
 - Alex... fit-elle d'une voix brisée.
 - Laisse tomber, gamine, fit le voleur sans se retourner. Ton plan est voué 
	à l'échec.
 Lara resta silencieuse, mais ne se départit pas de son masque. Elle 
	attendait patiemment que le jeune voleur la regarde. Car elle était certaine 
	que ce qui marchait sur Von Croy pouvait marcher sur ce jeune voyou. Et 
	puis, elle ne tenait pas tant que ça à le laisser partir seul : elle le 
	trouvait vraiment mignon. Une attirance pour les mauvais garçons : déjà 
	typique de Lara, dirait Werner. Enfin, le jeune voleur commit l'erreur que 
	l'adolescente attendait : une fois la porte de la cellule ouverte, il se 
	tourna vers elle. Lara en rajouta un petit peu, mais c'était visiblement 
	inutile : elle avait fait mouche.
 - Je peux venir avec toi ? Je ne veux pas rester toute seule ici... fit-elle.
 - Tu vas me ralentir, petite.
 - J'ai que quatre ans de moins que toi, déjà. Ensuite, j'irais plus vite si 
	tu me détaches ces menottes.
 Le jeune voleur sembla peser le pour et le contre, avant de soupirer.
 - Je l'ai fait il y a cinq minutes. Grouille-toi, faut pas qu'on traîne, 
	termina-t-il avant de retourner sur la serrure.
 Surprise, Lara tira sur ses poignets : les menottes glissèrent au sol, 
	ouvertes.
 - T'es balaise... reconnut-elle avec sincérité.
 - La force de l'habitude...
 Il se redressa soudain et regarda la porte de la cellule avec concentration. 
	Puis, d'une pichenette, il l'ouvrit, avant de gratifier Lara d'un clin d'oeil 
	d'autosatisfaction.
 - On y va ? fit-il.
 Il s'engouffra sans un bruit dans le couloir, en louvoyant. Lara lui emboîta 
	aussitôt le pas.
 
	*** Moins de 
	trois heures après l'exercice de Von Croy, Lara se retrouvait sur les toits 
	de Bangkok. Mais la différence était cette fois de taille : elle suivait un 
	mauvais garçon, un jeune voyou qui venait de l'entraîner dans la spirale de 
	l'illégalité. Et elle adorait ça ! L'adolescente ne s'était jamais sentie 
	aussi libre. Elle ne pensait même plus à son mentor, elle ne se souciait 
	guère de s'éloigner de l'hôtel : elle suivait avec plaisir « son » jeune 
	voleur. Après ving minutes de course, elle décida de l'arrêter.- Hé ! Attends ! fit-elle. On est assez loin des flics, maintenant, non ?
 - Ouais, mais ça fait un moment que j'ai arrêté de penser à eux, moi !
 - Ben... Tu vas où, là ?
 - Juste ici.
 Il désignait un somptueux temple bouddhiste. Lara regarda autour d'elle : 
	ils se trouvaient dans un quartier touristique et aisé.
 - Tu... dors ici ? demanda-t-elle, avant de se rendre compte de son incroyable 
	naïveté.
 Alex haussa les épaules, sans répondre.
 - Bon, ravi de t'avoir connu, petite. Amuse-toi bien !
 Sans se retourner, le jeune voleur sauta lestement du toit et se dirigea 
	vers le temple. Après une seconde d'hésitation, Lara partit à sa suite, une 
	nouvelle fois. Elle le rattrapa derrière le temple, dans une ruelle sombre. 
	Il sursauta, avant de froncer les sourcils.
 - Qu'est-ce que tu fous là ? Dégage !
 - Non, je te suis. J'ai envie de t'aider.
 - C'est pas pour les petites filles sages.
 - « Petite fille sage » ?
 Soudain, Lara attrapa le jeune voleur par le col et l'attira à elle. Elle 
	lui planta un baiser fougueux sur les lèvres, avant de le relâcher.
 - Alors, « petite fille sage », t'es sûr ? fit-elle.
 Sans répondre, Alex la prit dans ses bras, la souleva et la plaqua contre le 
	mur de la ruelle. Il l'embrassa à son tour fougueusement. S'aidant des pieds 
	contre le mur, et d'un mouvement preste des épaules, Lara le fit lâcher 
	prise.
 - Pas touche, voleur ! fit-elle, une fois de retour au sol. On verra ça si 
	on ressort de ce temple vivants...
 Et pour la forme, elle le gifla à toute volée. D'abord abasourdi, puis fou 
	de rage, Alex finit par afficher un petit sourire en coin, tout en frottant 
	sa joue endolorie.
 - Tu me plais bien, petite... Tu iras loin !
 - Pour l'instant, je veux juste aller là-dedans. Avec toi.
 - Alors suis-moi.
 Alex commença à escalader le temple. Lara le suivit.
 
	*** Ils 
	entrèrent dans le temple par les combles, juste sous les toits ouvragés. 
	Immédiatement, le jeune voleur ouvrit une trappe, qui permettait d'en 
	sortir. Il donnait l'impression de savoir parfaitement où il allait.- Tu es déjà venu ? demanda-t-elle à voix basse.
 - Non. Mais j'ai étudié le plan.
 - T'es organisé... Tu es un voleur professionnel ?
 - Arrête de poser des questions ! Tu me suis ou pas ?
 - Ben oui.
 - Alors fais-le en silence, merdeuse !
 Il se laissa tomber en souplesse par la trappe et arriva dans un couloir. 
	Lara le suivit, un peu vexée. Ensemble, ils arpentèrent en silence un 
	enchaînement de couloirs, dans la pénombre. En passant, Lara repéra 
	plusieurs reliques, vases ou statuettes qu'elle estima de grand prix. 
	Pourtant, Alex ne les regardait même pas. Deux explications vinrent à 
	l'esprit de l'adolescente : il était un piètre voleur, ou il cherchait 
	quelque chose de précis. Elle opta définitivement pour la seconde solution 
	quand il bifurqua soudain. Ils entrèrent alors dans la salle principale du 
	temple, le lieu de culte bouddhiste. Une lumière diffuse était fournie par 
	une série de bougies, qu'un veilleur de nuit entretenait régulièrement. Le 
	moine, assez âgé, marchait lentement, à pas feutrés, de l'autre côté de la 
	salle. Alex et Lara se cachèrent derrière une tenture, le temps que le 
	veilleur parte. Une fois seuls, ils investirent la salle. Aussitôt, Lara se 
	sentit gênée. Après tout, elle était en train de violer un lieu de culte, un 
	temple de la paix. Et pour quoi ? Pour les beaux yeux bleus d'un méchant 
	garçon extrêmement séduisant. Hésitante, elle se mit à peser le pour et le 
	contre. Mais visiblement, son petit coup de foudre ne se posait pas autant 
	de questions : il venait de traverser la salle pour atteindre l'autel, ou du 
	moins, son équivalent bouddhiste. Derrière, sous une cloche de verre, se 
	trouvait un petit bouddha en jade, d'une finesse et d'un éclat remarquables. 
	Les yeux brillants, Alex souleva la cloche... et déclencha aussitôt une 
	alarme.
 - Les temples bouddhistes, ce n'est plus ce que c'était ! gémit-il. On court 
	!
 Il attrapa la petite statuette et se mit à courir. D'abord surprise, Lara le 
	suivit une nouvelle fois. Ils coururent à perdre haleine, tournant et virant 
	pour éviter les moines qui se réveillaient, tout en ayant pour objectif les 
	combles initiales. Au détour d'un couloir, un moine surgit entre le jeune 
	voleur et l'adolescente. En pleine course, elle n'eut qu'un réflexe : se 
	jeter à genoux. Emportée par son élan, elle glissa entre les jambes du 
	moine, et, en passant, lança son poing. Elle se redressa derrière le moine, 
	qui s'écroula en gémissant et en se tenant l'entrecuisses.
 - Je suis désolée, fit-elle, sincèrement catastrophée. Je suis vraiment 
	désolée. Pardon.
 Alex l'attrapa de force par le bras et la força à se remettre à courir.
 - Si tu commences à te servir de cette méthode à quinze ans... fit-il sans 
	s'arrêter.
 - Ca va, c'était un réflexe !
 Ils arrivèrent enfin dans le couloir où se trouvait la trappe. Elle était 
	située trop en hauteur pour y accéder seul. Et de chaque côté du couloir, 
	des moines arrivaient. Le jeune voleur posa alors la statuette et se mit en 
	position pour faire la courte échelle, les mains jointes et les cuisses à 
	l'horizontal.
 - Allez, saute ! ordonna-t-il.
 Lara ne se fit pas prier : un appui sur les cuisses d'Alex, un autre sur ses 
	mains jointes, et elle se retrouva accrochée au plafond. Avec souplesse, 
	elle se rétablit à l'intérieur des combles. Elle tendit aussitôt le bras 
	pour aider Alex.
 - Trop tard ! fit-il. Sauve-toi, je me débrouille.
 Lara en eut presque les larmes aux yeux.
 - On se reverra ? demanda-t-elle.
 - Promis, gamine. Allez, dégage !
 Elle eut juste le temps de lui envoyer un baiser : le jeune voleur se fit 
	plaquer au sol par plusieurs moines. Comme d'autres commençaient à se faire 
	la courte échelle pour rejoindre les combles, Lara s'enfuit par le toit et 
	redescendit dans la ruelle. Sans perdre une minute, elle traversa la rue 
	principale et se fondit dans la foule encore dense. Elle jeta quelques coups 
	d'oeil en arrière, histoire de se rassurer. Le choc la tétanisa : les moines 
	l'avaient déjà rattrapée. Sans hésiter, deux d'entre eux l'attrapèrent 
	fermement, tandis que le troisième se plaça face à elle.
 - Vous allez nous suivre, mademoiselle, fit-il dans un anglais très 
	accentué.
 - Mais quoi ? s'affola-t-elle. J'ai rien fait !
 - Vous vous êtes introduite dans un temple sacré. C'est de la profanation. 
	C'est puni par la mort.
 - Ca va pas ?? Lâchez-moi ! Appelez la police !
 - Nous nous passerons très bien de la police...
 Lara paniqua pour de bon. La peur la fit agir avec promptitude et force : 
	d'un mouvement sec et nerveux, elle se libéra de l'emprise des deux moines. 
	Elle plongea aussitôt vers l'avant, plaqua ses mains au sol et prit appui 
	dessus pour lancer ses pieds sur eux. Elle les frappa en même temps en plein 
	visage. Tandis qu'ils tombaient à la renverse, elle se redressa et, sans 
	élan, fit un saut périlleux arrière sur place. Ses pieds, en passant, 
	heurtèrent le menton du troisième moine. En l'espace de quelques secondes, 
	les trois moines s'étaient retrouvés à terre. Mais Lara ne perdit pas de 
	temps : elle se mit à fuir, courant au milieu de la foule, loin du temple. 
	Chaque regard derrière elle la paniquait : des moines lui courraient après, 
	et elle était incapable de les semer. Plus elle accélérait, plus elle avait 
	l'impression qu'ils se rapprochaient. Finalement, à force de courir, elle se 
	retrouva face au quartier pauvre, qu'elle avait quitté quelques heures 
	auparavant, en compagnie de Werner. Elle regagna un peu d'espoir : elle 
	pouvait maintenant monter sur les fameux toits en tôle, et refaire le 
	parcours sur lequel elle s'était entraînée. Il serait donc plus difficile de 
	la rattraper dans ses conditions. Sans freiner, elle bondit sur des caisses 
	posées là et accéda aux toits. Elle se remit à virevolter de cabanes en 
	cabanes et, à mi-parcours, elle se retourna. Des larmes jaillirent de ses 
	yeux : les moines étaient toujours à sa poursuite, et semblaient ne pas 
	vouloir abandonner. Elle était dans un véritable cauchemar. Elle accéléra 
	encore, prenant maintenant des risques inconsidérés pour sortir du 
	bidonville. Elle ne pensait plus qu'à la sécurité de sa chambre d'hôtel, et 
	à la présence, finalement très rassurante, de son mentor. Elle termina son 
	escapade sur les toits et revint sur la terre ferme. Un regard pour 
	constater que, contrairement à la fois précédente, Von Croy ne l'attendait 
	pas avec un chronomètre et une voiture. Sans s'arrêter, Lara poursuivit son 
	effort vers l'hôtel, guidée et poussée par une véritable terreur.
 Non loin de là, à l'angle d'une ruelle, Werner Von Croy arrêta son 
	chronomètre et intercepta les moines. Sans un mot, il les paya, puis les 
	renvoya à leur temple. Il les regarda s'éloigner tranquillement, puis jeta 
	un coup d'oeil sur sa montre. Quatre minutes six secondes. Plus de trois 
	minutes de mieux en situation de stress. Werner ne cacha pas son sourire 
	tout en retournant à l'hôtel.
 
	*** Totalement 
	affolée, Lara escalada le mur de l'hôtel et se jeta par la fenêtre de sa 
	chambre. Elle perdit l'équilibre et roula jusqu'au mur opposé, qui l'arrêta 
	lourdement. Malgré la douleur, malgré le feu qui rongeait sa poitrine, elle 
	se recroquevilla par terre, terrorisée, les yeux rivés sur la fenêtre. Elle 
	s'attendait tellement à voir surgir les moines qu'elle pleurait, ses 
	sanglots se mêlant difficilement à sa respiration saccadée. L'adolescente 
	mit près d'une heure à retrouver son souffle et à calmer la cavalcade de son 
	coeur. Le tout sans quitter la fenêtre des yeux. Après deux heures 
	d'observation, assise par terre contre le mur opposée, elle s'endormit.Elle fut réveillée en sursaut par des coups sourds sur sa porte. Elle allait 
	hurler de terreur quand elle reconnut la voix de son mentor.
 - Lara, debout ! fit-il derrière la porte. Il vous reste vingt minutes pour 
	vous préparer. Je vous attends à la réception. Dépêchez-vous !
 L'adolescente mit un certain temps à se remémorer les derniers événements. 
	Un coup d'oeil à sa montre, d'abord : sept heures du matin. Puis la fenêtre : 
	ouverte. La chambre, en désordre. Et son lit, toujours impeccable. Elle se 
	leva et gémit aussitôt : sa tête la faisait souffrir, et des dizaines de 
	courbatures lui rappelèrent simultanément que sa nuit avait été agitée. En 
	grimaçant, elle se traîna jusqu'à la salle de bains.
 Vingt minutes plus tard, elle était au rendez-vous, lavée et habillée de 
	vêtements frais. Elle pouvait donc passer pour reposée. Néanmoins, Werner la 
	jaugea de haut en bas.
 - Ça va ? demanda-t-il. Vous avez bien dormi, Lara ? Vous semblez un peu... 
	défaite.
 - Non, pas du tout, ça va très bien ! Je suis en pleine forme. On y va ?
 Elle empoigna fermement son bagage et sortit de l'hôtel d'un pas décidé. 
	Werner la regarda tenter de boiter le moins possible malgré les douleurs 
	qu'elle semblait clairement ressentir. Il prit ses affaires et suivit 
	l'adolescente, un immense sourire aux lèvres. Un sourire de satisfaction.
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