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L'école

L'école, Chapitre 10, par Pitoch, le 31 juillet 2003.

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Chapitre 10

L'infirmière attitrée de Lara entra dans la chambre, poussant devant elle un fauteuil roulant. Elle l'installa contre le lit de la jeune femme.
- Voilà ! dit-elle d'un air satisfait. Il est assez rudimentaire, mais pour l'instant, il ne va servir que pour de petits trajets.
Lara la regarda faire sans rien dire. Depuis l'annonce de la nouvelle, elle était dans un état mélancolique, presque léthargique.
- Grâce à ce fauteuil, vous pourrez aller aux toilettes toute seule ! continua l'infirmière. Baissez votre pyjama, s'il vous plait.
- Pour quoi faire ? demanda Lara.
- D'abord pour retirer la poche urinaire qu'on vous a installé, ensuite pour vous piquer les fesses avec un traitement.
Lara rosit légèrement et baissa son pantalon de pyjama. Elle serra les dents quand l'infirmière lui retira le système urinaire, et ne les desserra qu'après la piqûre dans les fesses.
- Voilà, vous pouvez vous rhabiller, Lara, dit l'infirmière sur un ton jovial.
Lara remonta prestement son pantalon.
- Allez, essayez de venir dans le fauteuil, proposa l'infirmière. Et attention à vos perfusions !
Lara s'assit sur le lit empoigna ses jambes une après l'autre, à hauteur de genoux, et les souleva. Elle les plaça au bord du lit, les faisant pendre dans le vide. Puis, à la force de ses bras, elle descendit lentement jusqu'au fauteuil, pour se retrouver assise, les jambes de travers. Dans un dernier effort, elle porta ses poids morts dans l'axe du fauteuil. Elle transpirait à grosses gouttes. L'infirmière l'épongea doucement, un grand sourire sur les lèvres.
- Bravo, Lara, c'est très bien ! fit-elle. Vous avez déjà une bonne technique. Vous verrez, vous oublierez vite !
- Que je suis handicapée ? Ca ne risque pas. Savez-vous ce que je faisais avant ?
- Non, mais je vous imagine sportive, vu le corps que vous avez.
- Exactement.
- Il faut garder le moral, Lara. Vous n'y pouvez rien. Il va falloir apprendre à vivre comme ça !
Soudain, Lara détourna la tête pour cacher les larmes qui jaillirent spontanément. Habituée de ce genre de réactions, l'infirmière quitta la chambre, laissant la jeune femme à son désespoir.

Accoudé au zinc d'un bar, ignorant les autres clients qui se faisaient de plus en plus rares, Alex West sirotait son whisky " on the rocks ", écoutant d'une oreille distraite le ronron lamentable de la dernière chanteuse australienne à la mode. Il était minuit passé, et Alex venait d'arriver depuis quelques heures à peine à Sydney. Avec un but précis. Se venger. Il regarda sa montre et décida de rentrer à son hôtel. Il régla la note et sortit. Il avait besoin de repos, pour récupérer du décalage horaire et pour se préparer. Il avait prévu que les jours suivants seraient... intenses.
Dès le lendemain matin, Alex partit dans les quartiers populaires, voire mal famés de Sydney. Son pas déterminé ne faisait aucun doute sur ses certitudes. Il entra dans un petit magasin et se dirigea immédiatement au fond. Il ouvrit une porte, passa un long couloir et arriva devant une nouvelle porte, gardée par deux brutes épaisses.
- Alex West, fit-il en guise de présentation. J'ai rendez-vous avec Boss. De la part de Vladimir Otrianov.
L'un des hommes lui ouvrit la porte, tandis que l'autre le fouillait rapidement. Alex entra enfin dans une pièce surchauffée, plongée dans une pénombre amplifiée par des volutes de fumée. Il passa devant plusieurs porte-flingues à la mine patibulaire et se présenta face à un homme corpulent, vautré dans un canapé comme un pacha, entouré par deux superbes jeunes femmes visiblement droguées.
- Alex West ! s'écria Boss. Quelle visite étonnante !
- Salut, Boss, fit Alex en s'asseyant
Une troisième femme, en petite tenue, lui apporta un verre et une bouteille d'alcool. Alex s'en servit aussitôt une rasade.
- Alors, West ? demanda Boss. Tu as besoin de la mafia australienne ? Je croyais que tu cherchais à te refaire une virginité ?
- Et j'avais réussi. Mais hélas, des circonstances particulières me forcent à renouer avec mon passé.
Le caïd partit dans un grand rire gras, qui déclencha une quinte de toux.
- La mort de ta petite amie ? demanda-t-il après avoir repris sa respiration.
- Précisément.
- Tu es tellement prévisible, West.
- Tu comptes m'aider ?
- Tu m'as débarrassé d'Otrianov, comme convenu, alors je n'ai aucune raison de te refuser ça ! Néanmoins, j'aimerais beaucoup que tu me dises sur quoi Croft et Jones travaillent, en ce moment. Je sais que tu n'hésiteras pas longtemps. Le rôle de traître te va si bien !
- Okay, Boss. Que veux-tu savoir ?

Le terminal principal de l'aéroport d'Otopeni était une immense structure de verre, avec un toit entièrement gondolé. Il faisait un temps superbe, ce qui était en soi une excellente nouvelle pour Indiana Jones : visiter les Carpates sous une pluie battante, ça a de quoi détruire le moral du plus optimiste.
Il partit directement à l'hôtel qu'il avait réservé. Il changea de vêtements et ressortit dans une tenue qui aurait fait hurler de rire Alex et Lara, si ce n'était les circonstances actuelles. Indy portait un short long, des baskets et des chaussettes de ville, une chemise hawaïenne très colorée et largement ouverte, des lunettes de soleil et une casquette " I Love New York " vissée sur le crâne. Ainsi vêtu, il entra dans l'office du tourisme de Bucarest. Bien qu'habituées aux touristes, les hôtesses d'accueil ne purent retenir de petits sourires discrets à l'entrée de ce stéréotype vivant. Indy s'approcha d'un guichet.
- Bonjour ! dit-il d'un air joyeux. Je suis américain !
- Bonjour, monsieur, répondit l'hôtesse avec sérieux, malgré les rires étouffés de ses collègues.
- Je viens visiter votre beau pays, mais je cherche des sensations fortes ! continua Indy, feignant l'ignorance totale.
- Bien sûr, vous avez déjà une petite idée de ce que vous voulez faire ou voir ?
- Oui. Le château légendaire de Dracula !
Cette fois, les jeunes femmes, derrière lui, pouffèrent sans retenue. Indy n'y prêta toujours pas attention.
- Nous avons un circuit en car qui traverse l'ancienne Valachie, et qui permet la visite du château des Carpates, reprit l'hôtesse.
- Parfait ! Je prends ça !
Moins d'une heure plus tard, Indiana Jones, déguisé en touriste, embarquait dans un bus flambant neuf, au milieu d'une dizaine d'autres américains. Le guide était une jeune roumaine charmante, parlant anglais avec un accent qu'Indy trouva délicieux. Elle commença à expliquer le programme de la journée, avec passage du col que Jonathan Harker avait passé dans le roman de Bram Stoker, halte dans une auberge typique des Carpates et enfin, visite du château dont l'écrivain avait fait la demeure du comte.
Le cadre avait en effet quelque chose de terrifiant. La route, qui était dans un état approximatif, serpentait en lacet entre de hautes montagnes couvertes d'arbres à l'aspect menaçant. La nuit tombante rendait l'atmosphère lugubre, voire horrifiante, et seules les conversations et les rires des touristes présents dans le bus empêchait Indy de plonger totalement dans l'ambiance. La guide reprit le micro à cet instant.
- Nous allons bientôt arriver à l'auberge où nous passerons la nuit, dit-elle. Demain matin, nous ferons la dernière partie vers le château avant l'aube, pour profiter du lever du soleil sur les Carpates.
Pendant qu'elle parlait, le bus s'arrêta, et les premiers touristes se levèrent. Indy quitta en dernier le car, récupéra son sac et entra dans l'auberge, non sans un petit sourire complice à la guide.
Le réveil sonna à quatre heures du matin. Indy se réveilla en grommelant, puis s'assit sur le bord du lit.
- On a Dracula à aller voir, soupira-t-il.
- Oui, nous allons partir rapidement, renchérit la guide, allongée à côté de lui.
Elle récupéra la totalité du drap pour se couvrir et se rua à la petite salle de bains de la chambre. Indy, son personnage de touriste bien en place, s'habilla normalement, donc sobrement. Quand la jeune guide ressortit de la salle de bains, entièrement vêtue, elle découvrit le vrai Indiana Jones. Il portait une sacoche en bandoulière et un vieux chapeau usé.
- Ca vous va mieux, cette tenue, fit-elle en souriant.
- Tu es gentille, merci ! On y va ?
Ils quittèrent la chambre et rejoignirent les touristes déjà prêts.
Vers six heures du matin, le bus s'arrêta sur le bas-côté de la route, et les touristes sortirent pour admirer le château de Dracula, plus haut, avec ses tours menaçantes et sa silhouette ténébreuse. Le soleil levant, avec son éclat rouge sang, renforçait l'effet produit, et beaucoup de touristes frissonnèrent plus que par le froid matinal. Indy n'était d'ailleurs pas le plus à l'aise. S'il doutait de l'existence des vampires et donc de Dracula, il avait vu trop de choses dans sa vie d'aventuriers pour ne pas savoir que des choses non humaines se passaient certainement dans la région. Il regarda autour de lui, comme pour sentir l'air. Scholomance n'était pas loin. De toute façon, c'était son seul point d'ancrage. Il remonta dans le bus, sans quitter le château des yeux. Ils y seraient dans une heure.
L'environnement terrifiant du château était évidemment entretenu par l'actuel propriétaire, afin d'attirer toujours plus de touristes. Discutant avec la guide alors qu'ils passaient la grille rouillée de l'entrée à pieds, Indy apprit que ce n'était justement pas l'état roumain qui possédait le château.
- Tiens donc, voilà qui est étonnant, dit Indy. Ce château représente pourtant un vrai trésor du patrimoine roumain.
- C'est vrai, mais la Roumanie a été obligée de le vendre après la chute de Ceausescu. Ce dictateur a laissé le pays ruiné.
- Certes. Et depuis, il n'a pas changé de propriétaire ?
- Non, mais il y a deux-trois ans, nous avons racheté le château, mais en laissant la gestion et l'organisation au propriétaire. Une sorte de marché.
- Et qui est ce fameux propriétaire ?
- Il ne s'est pas fait connaître du grand public, dit la guide en souriant. Il n'aurait certainement pas pu se faire accepter des roumains, qui voulaient garder ce joyau national. Alors le vendre à un milliardaire étranger, c'était choquant.
- Etranger ? Il n'était pas roumain ? demanda Indy.
- Un roumain milliardaire ? Voilà une drôle d'idée. Non, il était capitaliste, bien sûr. Sans vouloir vous offenser.
- Pas de problème. J'adore tous les trésors de la Roumanie.
Il la regarda de façon appuyée, et la jeune femme rougit.
- Alors, trésor, dis-moi, il était américain, cet heureux propriétaire ? fit Indy.
- Oui, je crois. Ou australien. Quelque chose comme ça.
Indy soupira.
- Ceausescu est mort il y a plus de dix ans, murmura-t-il pour lui-même. Banks devait avoir une petite vingtaine lorsqu'il a acheté ce château...
- Pardon ? s'enquit la jeune femme.
- Je parlais tout seul, mon coeur. Je me disais qu'une préparation de plus de dix ans, ça sous-entendait une patience à toute épreuve. Et une telle patience n'est supportable que parce que la récompense est à la hauteur de l'attente.
- Je ne comprends rien à ce que vous dites !
Indy lui fit un grand sourire.
- Ce n'est pas grave. C'est juste que plus on avance, plus je me rends compte que l'énormité de l'affaire. Les livres n'étaient que la partie émergée de l'iceberg.
Il partit dans un grand rire et entra dans le château, non sans donner une petite tape sur les jolies fesses de la guide complètement perplexe.

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