Chapitre 5
A peine arrivé à New York, Indiana Jones fonça à
l'université de West Point, au nord de la " Grande Pomme ". Il y
possédait un petit bureau gracieusement offert par le recteur, et surtout un certain
nombre de connaissances. Dont une en particulier, qu'il avait besoin de voir sans en
avoir vraiment envie. C'est donc pratiquement à contre-coeur qu'il frappa
à la porte. Une voix forte lui autorisa l'entrée. Il soupira et ouvrit la porte.
- Junior ! hurla le locataire des lieux. Par tous les saints, tu oses venir me
voir ?
- Bonjour, père, répondit Indy. Je vois que vous tenez encore bien la forme.
- Pas grâce à toi, fils indigne ! Depuis combien de temps m'évites-tu ?
- Je ne vous évite pas, père. Simplement nous sommes tous les deux trop pris par nos
métiers pour avoir une vie de famille.
- Très bien, ne relançons par cette difficile conversation du zeppelin...
- Je pense que c'est mieux, en effet, père.
- Alors, que viens-tu faire à New York, Junior ?
- C'est Indiana, père, soupira Indy. Je viens pour l'histoire du vol à la
bibliothèque.
- Ah oui, je m'en souviens !
Le vieux professeur Jones fouilla dans quelques dossiers et en retira finalement une
chemise. Il l'ouvrit sur son bureau, étalant toutes les coupures de presse
qu'elle contenait.
- Je m'y suis intéressé de loin, juste comme ça, expliqua-t-il à son fils. Au cas
où...
- Vous avez bien fait, père !
- C'est un gros morceau ? dit-il avec avidité.
Indy retrouvait là un père passionné, comme dans les années 30, lors de la quête du
Saint Graal.
- Je ne pourrais pas le dire pour l'instant, répondit Indiana. Mais y'a
quelques éléments intéressants qui sont survenus récemment.
- Explique-moi tout ça, Junior !
- Indiana, répondit-il machinalement. Eh bien, comme vous devez le savoir, plusieurs
bibliothèques publiques et privées ont été cambriolées au même instant. Je sais
déjà qu'il s'agit d'un ouvrage sur le Diable à Tokyo, et une carte
d'Europe chez Lara Croft.
- Tu connais Lara Croft ? Il paraît qu'elle a un corps de rêve et qu'elle
est très portée sur... la chose.
- Père ! s'indigna Indy. Ne vous méprenez pas. Lara est une jeune femme
remarquable.
- Ca n'empêche pas, répondit Henry avec un petit sourire. Donc tu es venu savoir
quel livre a été volé ici ?
- Exactement, père.
- Et bien je vais te soulager d'une enquête, je le sais !
- J'en attendais pas moins de vous, père. Alors ?
- Eh bien, il s'agit d'un... du...
Il s'interrompit, fronçant les sourcils.
- Zut, j'ai oublié... soupira-t-il.
La bibliothèque de New York était à la démesure de la ville. Mais chacun des Jones la
connaissait trop pour en être encore impressionné. Ils entrèrent donc d'un pas
décidé. C'est le professeur Jones senior qui menait le train.
- Tu seras surpris de qui travaille en ce moment ici, Junior, dit-il à son fils. Il est
en pleine recherche. Je l'ai rarement vu aussi motivé !
- Je pense que j'ai deviné, père, répondit Indy en souriant.
Ils arrivèrent dans la zone des bureaux privés, et Henry rentra dans l'un
d'eux. Un homme s'y trouvait, penché sur ses livres ouverts. Il releva la
tête, et son visage s'éclaira en voyant Indy. Il se leva précipitamment.
- Indiana Jones ! cria-t-il en se jetant dans ses bras.
- Marcus Brody ! fit Indy en riant. J'en avais entendu parler, mais c'est
donc vrai ! Tu n'as pas pu t'empêcher de boire un peu d'eau du
Graal !
- Rassure-toi, je finirais par mourir, mais dans un petit moment encore ! J'ai
encore beaucoup de choses à découvrir ! Mais toi ! Regarde-toi, mon vieil
Indy, tu es en pleine forme !
- Toi aussi, mon vieux Marcus ! Tu es superbe !
- Tu as toujours ta tenue d'aventurier ? Avec ce chapeau et ton vieux
cuir ?
- Toujours, mon vieil ami !
- Tu sais qu'ils prévoient un film sur toi, à Hollywood ?
- Vraiment ?
- Oui, dirigé par Steven Spielberg, je crois. Et ce serait un certain Colin Farell qui
jouerait ton rôle.
- Les aventures d'Indiana Jones ? sourit Indy. Ca risque de faire un
bide !
Marcus sortit une bouteille de brandy et trois verres, et servit trois bonnes rasades.
- Asseyez-vous, mes amis, et dites-moi ce qui vous amène ! dit Marcus en retournant
derrière son bureau.
- Le vol, il y a dix jours, ici même, répondit Indy. Je pense que ça cache quelque
chose de très important. Père ne se souvient pas du livre volé.
- Ah oui, ce fameux vol... soupira Marcus. Je te fais confiance pour trouver les bons
coups, Indy, mais là... Le livre a une valeur marchande toute relative. Il vaut à
peine 10.000 dollars, soit jusqu'à cent fois moins que certains autres ouvrages
présents ici.
- Quel était ce livre, Marcus ?
- Une Bible.
- Une Bible ?
- Oui. Une édition relativement rare du 16e siècle. Le traducteur y avait
rajouté quelques annexes sans grand intérêt, collectées dans différents monastères
des pays de l'est de l'Europe.
- Quel traducteur ?
- Lefèvre d'Etaples. Un français qui a fait la traduction officielle de la Bible en
latin. Il a fait plusieurs... " essais " au cours de sa vie, et la
bibliothèque de New York possède - possédait - une de ses tentatives.
- L'histoire du Diable, la Bible, murmura Indy. Ca concorde.
- Ca tourne autour du catholicisme ? Le retour du Diable sur Terre ? proposa
Henry.
- Possible, oui. Probable, même. Et son retour se passera quelque part en Europe,
d'où le vol de l'atlas chez Lara.
Indy se leva et commença à faire les cent pas.
- Parfait... marmonna-t-il. On progresse. Mais j'espère qu'on a le temps.
- Comment ça, pas le temps ? hurla Alex West. Vous êtes un taxi ou pas ?
- Da ! répondit le chauffeur russe.
- Alors amenez-moi à la bibliothèque nationale de Moscou !
- Niet !
Alex claqua violemment la portière. Un voyageur russe entra dans le même taxi et le
véhicule démarra, laissant le pauvre Alex dans le froid moscovite. Il marmonna quelques
insultes bien senties envers l'hospitalité russe. Comme, de plus, c'était le
quatrième taxi " anti-américain " de suite, il se décida à se
rabattre sur les transports en commun. Il monta donc dans le vieux bus, paya son billet et
s'installa au fond, se jetant littéralement sur la banquette en soupirant. Il
commençait à somnoler, malgré les cahots de la route et les arrêts fréquents, lorsque
soudain, lors d'un de ses " réveils ", il se rendit compte que
le bus était vide.
- Eh merde... gémit-il. Le terminus.
La porte avant du bus s'ouvrit, et une jeune femme blonde monta. Elle portait un long
manteau noir et des lunettes de soleil. Alex la regarda, d'abord incrédule, puis un
souriant. La jeune femme se tourna vers lui, écarta un pan de son manteau et redressa une
petite mitrailleuse affublée d'un canon silencieux. Alex perdit aussitôt son
sourire.
- Eh merde... murmura-t-il de nouveau.
Il se jeta aussitôt par terre, derrière les banquettes devant lui, tandis que les
premières rafales étouffées jaillirent de l'arme automatique. Les balles firent
des trous réguliers dans la taule au-dessus de lui et feuilletèrent entièrement la
vitre arrière. Alex sortit son revolver et tira plusieurs fois au même endroit, pour la
descendre une bonne fois pour toute.
- Bonjour ! cria-t-il à destination de la mystérieuse femme.
Il n'obtint aucune réponse. Il tendit l'oreille, mais elle ne semblait pas
bouger. Elle attendait visiblement qu'il perde patience et sorte.
- Ca vous dirait de discuter tranquillement avec moi ? demanda-t-il. On pourrait
régler ce petit différend...
- Jetez votre arme et sortez de là, finit par dire la jeune femme avec un accent qui
n'était certainement pas russe.
- C'est un peu facile, Miss, ricana Alex. Vous êtes française ? Qui vous
envoie ? Pourquoi vouloir me tuer ?
- Si j'avais voulu vous tuer, ce serait déjà fait ! répondit-elle simplement.
- Okay... Alors je vais jeter mon arme par-dessus la banquette, dans votre
direction...
- Très bien, j'attends.
Alex sortit le petit revolver d'appui qu'il avait attaché à sa cheville. Il
prit une profonde inspiration et le jeta par-dessus la banquette. Il jaillit aussitôt de
sa cachette, tira deux fois en direction de la jeune femme et plongea hors du bus, par
l'ouverture arrière. Il fit deux roulades, se rétablit aussitôt et se glissa sous
le bus. Il rampa le plus vite qu'il put et émergea de l'autre côté, accueilli
par un homme en costume, avec lunettes noires. Evidemment, celui-ci braquait un revolver
avec silencieux sur lui. Lentement, Alex jeta son arme et leva les mains en l'air. La
jeune femme arriva derrière lui et d'un violent coup de crosse, l'assomma.
Quand Alex se réveilla, il fit un point rapide de sa situation. D'abord, fait
important, il était vivant. Et pas trop amoché, vue la relative faible douleur de son
crâne. Ensuite, il était assis sur une chaise, et ligoté. Enfin, se tenait face à lui
le porte-flingue qui l'avait surpris, la jeune française, toujours aussi impassible,
et un homme d'une quarantaine d'années, très classe.
- M'sieur-dame, fit Alex en souriant.
- Monsieur West, vous êtes ici pour nous donner des informations, commença le chef.
- Très bien, alors commençons par la météo. Le temps sera mitigé sur la majeure
partie du pays, avec de belles éclaircies dans la région de Moscou. S'ensuivra une
journée de...
- LA FERME !
- Okay, on passe aux titres de l'actualité ?
- Monsieur West, nous voulons savoir ce que vous savez sur les vols de livres.
- Qui ça, " nous " ?
- Miss Ac ? fit le chef à la jeune femme blonde.
Elle s'approcha d'Alex et l'embrassa tendrement sur la bouche, dans un long
baiser, puis se recula.
- J'adore ce genre de torture... souffla Alex en souriant.
La jeune femme prit alors un long poignard effilé et l'enfonça lentement dans
l'épaule de West, tournant presque amoureusement la lame dans la chair. Il se mit à
suer à grosses gouttes, serrant les dents pour ne pas hurler.
- Alors, monsieur West ? demanda l'homme. Acceptez-vous de répondre à mes
questions ?
- Je ne sais rien, c'est ma réponse, fit Alex entre ses dents.
Sur un signe de tête, Miss Ac se pencha de nouveau sur lui et l'embrassa de nouveau
sur la bouche.
- Vous savez, miss, je préfère largement cette partie de la torture, dit Alex. Vous
êtes obligée de passer à la suite ?
Pour toute réponse, la jeune femme prit un nouveau poignard et le plongea encore plus
lentement que le premier dans l'autre épaule. Cette fois, Alex ne put retenir un
gémissement de douleur.
- Je ne sais rien, personne n'a voulu me répondre ! cria Alex.
- Très bien, dit l'homme. Je vous crois volontiers. Vous avez l'air tellement
stupide.
Miss Ac s'agenouilla face à Alex et commença à défaire les lacets de ses
chaussures. Elle le mit pieds nus et releva le bas de son pantalon.
- Chouette, une pédicure... gémit Alex.
La perte de sang et la douleur commençaient à le plonger dans une léthargie
inquiétante. Il comprit néanmoins que la jeune femme était en train de couler ses pieds
dans du ciment ! Il redressa la tête.
- Zut, fit-il faiblement. Moi qui déteste l'eau...
Deux hommes le détachèrent de sa chaise, le mirent debout et le traînèrent à
l'extérieur, faisant glisser le bloc de béton sur le sol. On le jeta dans une
voiture, qui démarra aussitôt. Moins de dix minutes plus tard, les deux hommes le
sortirent et le tinrent debout au bout d'un ponton, au-dessus d'une eau noire.
L'air frais avait réveillé Alex, et il commençait à paniquer.
- Allez-y ! ordonna Miss Ac.
Elle regarda West d'un air froid, comme les deux hommes le jetèrent à l'eau,
les pieds pris dans un bloc de béton.
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